Il y a autant de manières de créer une histoire qu'il y a d'histoire. Ça fait beaucoup.
On peut partir d'un lieu, d'un thème, d'un personnage, d'une couleur, d'un évènement, d'une condition humaine etc... Viennent ensuite les différentes manière de développer cette histoire. Encore une fois il y a une multitude de manières de procéder. Je pense cependant qu'elles se divisent en deux larges catégories: soit on travaille intellectuellement, soit on travaille corporellement. Personnellement, je suis une partisante du travail corporel comme moteur de création.
Je m'explique.
Je trouve qu'en cherchant une histoire dans sa tête, on risque de l'intellectualiser et l'éloigner de la vérité. L'histoire devient ce qu'on pense qu'elle devrait être. Ce qui n'arrive jamais dans la vie. Plutôt que d'évoquer l'histoire, on la démontre, la souligne, la surligne, on l'essoufle, et on finit par la vider. Lorsqu'on part du corps, on part de notre instinct. Ce dernier est selon moi bien plus fiable et pûr que nos cerveaux saturés. En retournant à nos impulsions plutôt qu'à nos connaissances, on se rapproche de l'humanité. Ce qui me semble un bon point de départ lorsqu'on fait du théâtre.
Depuis le début du travail avec Open Pit, nos trouvailles les plus intéressantes ont été accidentelles. À chaque fois que nous avons intellectualiser le schéma narratif d'une improvisation plutôt que de se donner le temps de le découvrir à travers nos actions, le résultat était prévisible et futile. J'ai trouvé que le plus concluant pour nos explorations était de partir de gestes simples mais évocateurs, et de laisser ceux-ci nous porter vers un récit qui nous était encore inconnu. Il est intéressant de remarquer que les mêmes gestes sont porteurs de différents sens dépendemment de qui les fait, comment, et avec qui. Maintenant que nous avons un vocabulaire corporel commun, il nous est possible d'orchestrer ces différents mouvement pour générer du sens et des récits.
Chaque geste contient une histoire, il suffit de lui donner l'espace suffisant pour qu'elle grandisse. Un regard de côté, une tête baissée, un poing qui se ferme, un haussement d'épaule. Ce sont ces mouvements que nous connaissons tous tellement qu'on les oublie qui renferment les plus grands secrets d'amour, de défaite, et de trahison. Pas les idées pré-conçues qu'on s'en fait.
- Geneviève Doyon